3 octobre 1914 : le lieutenant René Gateaux, brillant mathématicien meurt au combat à Rouvroy (Pas-de-Calais) à l’âge de 25 ans.

Le jour où les Allemands arrivent à Méricourt, le lieutenant René Gateaux appartenant au 269ème Régiment d’Infanterie, meurt au combat.

Je vous propose de faire plus ample connaissance avec ce brillant normalien.

René Gateaux, jeune savant fauché par la guerre

Je vous donne le lien de la biographie faite par Laurent Mazliak, mathématicien et historien qui m’a gentiment autorisé à utiliser son brillant travail ; je l’en remercie.

https://lejournal.cnrs.fr/billets/rene-gateaux-jeune-savant-fauche-par-la-guerre

source ENS

Compléments historiques :

Les archives militaires

Son livret militaire :

source : mémoire des hommes
source : mémoire des hommes
source : archives de la Marne

Un extrait de ses états de service (archives de la Marne)

Le lieutenant Gateaux faisait partie du 6ème bataillon, 2ème section de mitrailleuses du 269ème régiment d’infanterie :

Source : Historique du 269ème RI (Anonyme, librairie Chapelot) numérisé par Alain Béthencourt

Les conditions de sa mort.

Ci-dessous un extrait de l’historique du 269ème Régiment d’infanterie qui arrive à Drocourt le 30 septembre 1914 et qui décrit l’âpreté des combats engagés :

En Artois (1er octobre 1914-15 février 1916)
Douai
Le 28 septembre, la 70ème D. I. passe en réserve d'armée; le lendemain elle est transportée en
Artois.
Le 269ème s'embarque à Nancy; il est commandé par le lieutenant-colonel Regnier-Vigouroux,
qui a remplacé le colonel Grange, commandant la 139ème B. I.
Le 30 septembre il débarque à Drocourt.
Le 1er octobre le 269ème et le groupe d'artillerie Jullien arrivent à Esquerchin (5ème bataillon) et
à Haute-Rive (6ème bataillon) en vue de Douai.
Le détachement est à la disposition du général Plantey, commandant la place de Douai.
L'ennemi contourne Douai par le nord et par le sud; il sort de Corbehem; la place est
évacuée, et toute liberté est rendue au 269ème qui replie son 5ème bataillon sur Beaumont.
Le 2, flanc-garde de la 70ème D. I:- qu'il couvre dans la direction de Douai, il est, avec le
groupe Jullien et l'escadron divisionnaire, à Izel-lès-Esquerchin (5ème bataillon) et à Drocourt
(6ème bataillon).
L'ennemi fait irruption dans Beaumont; il est abîmé par le groupe Julien, qui malheureusement
manque bientôt de munitions et retraite par échelons, couvert par la batterie Bedel.
Cette dernière, vite repérée, est mise hors de combat; ses canonniers sauvent deux pièces; le
caporal Lasserre et les soldats Chèze, Bessières, Buisson et Esteck du 269ème en ramènent à
bras une troisième (ils ont été cités à l'ordre du C. A.).
Après une bataille acharnée qui a retenu l'ennemi de 10 heures du matin à 15 heures, luttant
contre des masses allemandes de plus en plus pressantes, le 269ème est débordé, il se dégage et se replie sur Rouvroy, subissant de grosses pertes, mais toujours crâne et mordant, 1 officier est tué; 4 autres (dont le lieutenant colonel commandant le régiment) sont blessés; 375 soldats sont hors de combat.
Vimy.
Le 3 octobre arrêt défensif à Rouvroy, à Acheville, à Méricourt.
Le 4, c'est la défense de Vimy et de Givenchy.
Il faut à tout prix gagner du temps, retarder la marche envahissante de l'ennemi.
Et on tient dans des tranchées creusées à la hâte, on tient sur le talus du chemin de fer, à Vimy
(5ème bataillon), à Givenchy (6ème bataillon), sur la crête, à Berthonval.
Enfin le 6, le 269ème est relevé par des éléments du 21ème C. A. et va prendre un peu de repos à
Mont Saint-Éloi.
Source : Historique du 269ème RI (Anonyme, librairie Chapelot) numérisé par Alain Béthencourt

Ci-dessous une carte de Rouvroy et des communes voisines, théâtre des combats :

Rouvroy et les communes voisines.

Les combats au matin du 3 octobre 1914:

Extrait du journal des marches et opérations (JMO) du 269ème Régiment d’infanterie à la date du 3 octobre 1914

source : mémoire des Hommes
JMO du 269 RI du 2octobre au 4 octobre 1914
NB : il existe 2 « versions » des évènements : une 1ere qui va du 1er au 10 octobre (l’originale) et une seconde remaniée et plus détaillée qui reprend les événements à partir du 1er octobre (avec quelques erreurs à la date du 3 octobre ; exemple Nancy au lieu de Rouvroy). C’est cette 2eme version qui est utilisée ici.

3 octobre 5h : une attaque allemande partie de Bois-Bernard refoule le 226° et s’étend jusqu’aux tranchées tenues par la 21Cie à l’Est de la route Rouvroy-Acheville. Cette attaque brisée par le feu de l’artillerie et de notre infanterie s’éteint vers 9h.

3 octobre : vers 9 h une nouvelle attaque allemande partant de Drocourt se produits sur la lisière S de Rouvroy et sur la voie ferrée. La lutte est très violente et dure deux heures. Le Lieutenant Gateaux est tué près de la Chapelle à la sortie SE.

Le front au 3 octobre 1914 :

carte du front le 3 octobre 1914

Les armées ennemies sont lancées dans la course à la mer :

La course à la mer : septembre-décembre 1914

Les lieux de sa mort

Le lieutenant Gateaux est donc mort le 3 octobre 1914 entre 9 et 11 heures du matin « près de la Chapelle à la sortie SE de Rouvroy ».

Localisation de Rouvroy (près de Vimy)

La chapelle en question n’existe plus : elle fut certainement détruite pendant la guerre.

Sur le cadastre de 1819-1823, la chapelle apparaît :

La chapelle apparaît au Sud Est de l’Eglise. Source archives du Pas-de-Calais

En recoupant avec une vue actuelle :

Le cercle noir indique l’endroit ou devait se situer la chapelle (source géoportail).

Aujourd’hui sur le site on observe deux monuments : au premier plan, le monument aux morts de la Commune de 1871 et au second plan une chapelle dédiée à Saint Roch qui fut érigée en 1928.

Finalement, c’est certainement aux alentours de cet endroit que le lieutenant Gateaux est « mort pour la France  » le 3 octobre 1914.

Depuis 1921 René Gateaux repose au cimetière de Neuville- Saint-Vaast :

photo : Laurent Mazliak

Je laisse la conclusion à Laurent Mazliak

On ne peut évidemment savoir si, sans la guerre, René Gateaux serait devenu un des grands mathématiciens français du XXe siècle. Mais on peut affirmer que le destin brisé de ce jeune savant prometteur est le symbole de beaucoup d’autres, sacrifiés sur l’autel de la guerre. Ce terrible tribut fut lourd de conséquences pour la recherche scientifique dans les années qui suivirent…