Arthur-Henri Chardon naît le 9 avril 1863 à Courrières, au cœur des corons. Son père, Henri-Joseph Chardon est mineur à la fosse n° 1, dite « Poussière », premier gisement exploité dans le Pas-de-Calais, à partir de 1851, par la Compagnie des Mines de Courrières.
Comme beaucoup de ses camarades, il quitte tôt les bancs de l’école pour suivre son père « au trou ». Il devient galibot à l’âge de treize ans et passe une grande partie de sa vie dans les galeries de la Compagnie.
De sa vie de labeur, il compose deux opuscules de poésie, réunis sous le titre général Les Chants d’un mineur (édité à Billy-Montigny en 1912). Ses poèmes traitent du quotidien des gueules noires : la fosse, les conditions de travail difficiles, les coups de grisou (il est profondément marqué par la catastrophe de Courrières en 1906), mais aussi la famille, la vie dans les corons et les estaminets, les camarades et la joie de vivre qui les anime malgré la dureté de leur existence. Il publie également plusieurs poèmes dans le Journal d’Hénin-Liétard.
La sensibilité, l’humour et le style de cet autodidacte le font bientôt connaître au-delà des frontières de la fosse et lui valent les éloges d’illustres personnages. C’est ainsi qu’il reçoit les compliments du général Lyautey (futur académicien, alors résident général au Maroc) : dans une forme originale et saisissante, vous avez parfaitement évoqué la vie du pays noir. Je vous félicite pour votre beau talent. Ce dernier le fera chevalier du Ouissam Alaouite (décoration marocaine créée en 1913 sous le protectorat français).
Poème d’Arthur Chardon, 26 septembre 1909 Vous m’connissez point ? Non ? Faut y qu’cha m’étonne, Vous n’perdez point grand cose, davanche ej vous pardonne. Ch’est in vieux carbonnier qu’à ses momints perdus Écrit des radotach’s d’andouill’s mal dépindus. Si quéqu’fos par hazard pour vous gonfler la rate, Vous lisez mes écrits, dites-vous bin comarates Qui faut dél’volonté et surtout dél’passion Pou composer des vers rimés sans instruction. S’sus déjà su l’quémin pou l’Mérite à bricoles. Pou c’décoration-là faut point beaucoup d’école ; Si jé m’présente un jour vous m’nom’rez Sénateur Pass’qué s’sus bin certain qu’vous s’rez mes électeurs. Quarant’ francs tous les jours ! Cha m’in fra des quinzaines J’arai dé domestiqu’s, des cochers, des méquennes ; J’vous promets déjà mieux qu’no Député Dupont : Fait’s vous faire inne rivière et j’vous f’rai un pont. Si j’vous ai déverti, j’s’rai contint dé m’victoire, J’n’aspire point à l’grandeur, encore moins à la gloire, Jé n’sus point imbitieux, n’allez point toutd’touss M’accabler d’complimints et m’écraser d’bravos. Ach’teur j’ai inne séquoi su l’cœur faut qu’jé l’répète, Piss qué tout l’monde el dit jusqu’à front des bowettes, Cha va fair’ des jalous, mais faut qu’jé l’dich tout court : Ch’est mi l’pus biau garchon des corons d’Méricourt.
Sources : Un poète mineur : Arthur Chardon de Méricourt, Gauheria n°3 -1er trimestre 1985